Centre de musique canadienne au Québec

23 juin 2010

Pour une chronique de la création musicale québécoise


Lettre ouverte de Michel Gonneville à la direction du quotidien Le Devoir

Nous, les soussignés, compositeurs, interprètes et mélomanes intéressés, voulons profiter de l’occasion de la publication récente de l’article La critique culturelle au Devoir : jamais complaisante, parfois source de polémiques (6 mars 2010) pour souligner ce qui nous apparaît comme une lacune consternante dans l'économie éditoriale actuelle du Devoir : nous voulons parler de l’absence d’informations éclairées et éclairantes sur la création musicale québécoise.

S’il peut se réjouir qu’un premier recueil de poésie, que le premier spectacle d’un jeune chorégraphe ou que l’exposition d’une artiste visuelle tout juste diplômée se méritent jusqu’à une demi-page, dans un quotidien qui dit accorder "une place de premier plan" à la couverture de la vie culturelle, le lecteur du Devoir peut-il se dire aussi bien informé de la démarche des jeunes créateurs musicaux québécois ? Peut-il suivre avec la même acuité, à travers leurs œuvres, l’évolution de compositeurs d’expérience ? À ces deux questions, il faut malheureusement répondre non. La raison tient entre autres à la forme qu’empruntent les écrits sur la musique dans Le Devoir.

À l’heure actuelle, Le Devoir offre principalement à ses lecteurs des critiques de concert, des recensions critiques de CD et quelques "prépapiers" relatifs à des événements à venir. Le nombre de ces écrits par semaine est limité par le type de contrat accordé au collaborateur qui travaille pour le journal. L’offre de concerts à Montréal (ou au Québec) étant considérable, un choix doit inévitablement être fait. Or, la place accordée actuellement dans ces écrits à la musique du passé est énorme, et la création musicale québécoise en est pratiquement absente.

Il manque aux pages du Devoir une chronique de la création musicale québécoise qui soit déliée de la critique de concert ou de la trop rare parution de CD, qui soit surtout branchée sur l’actualité et informe adéquatement le lecteur sur la démarche de nos créateurs musicaux, dans un langage accessible. Le nombre et la qualité des œuvres créées chaque année chez nous justifient amplement l’existence et la régularité d’une telle chronique.

Lorsqu’on considère les conditions de son exercice, la critique de concert ne peut prétendre à la même qualité qu’une chronique. Le plus souvent, la critique rend compte d’un événement sans reprise : à qui sert-elle alors, sinon aux générations futures qui voudront savoir ce qui se créait en 2010…? De plus, les concerts sont rarement monographiques et peuvent cumuler créations et œuvres du répertoire. Conséquence : l’espace alloué à une création se réduit d’autant. Enfin, rédigée rapidement de façon à respecter l’heure de tombée, peut-elle vraiment être le lieu d’une évaluation sérieuse et pondérée d’une œuvre nouvelle ?

La rédaction d’une chronique telle que nous la désirons réclame de son auteur une connaissance approfondie des préoccupations des créateurs locaux et aussi des nécessités qui président à la genèse des courants musicaux internationaux. Cette connaissance peut s’appuyer sur les sources traditionnelles de documentation (concerts, CD, rencontres et entrevues avec les créateurs, livres, revues ou articles spécialisés) mais aussi sur les nouvelles sources disponibles : sites web personnels de compositeurs ou sites institutionnels (ex. les centres de documentation comme le Centre de musique canadienne, Empreintes Digitales, les blogues ou sites de radios publiques comme Radio-Canada, concerts en balado-diffusion (live streaming), etc. La production internationale et locale de nouvelles œuvres étant immense et diversifiée (musiques de toutes tendances et de tous genres, électroacoustique, actuelle, art sonore, etc.), on conçoit que, pour faire autorité, la compétence souhaitée dans ce domaine requiert un investissement personnel considérable.

Par ailleurs, à notre avis, une telle chronique ne peut pas être le simple exutoire des préférences de son auteur. Si une évaluation des créations peut y être tentée, celle-ci devrait s’appuyer sur une connaissance la plus large possible de la réalité de la création musicale et sur une sensibilité réelle et ouverte, en s’articulant à partir des objectifs que se sont assignés les créateurs dans le cadre de leur démarche, ainsi qu’à l’aune des courants esthétiques locaux et internationaux. Dans cette perspective, le rattachement à la tradition ou aux habitudes d’écoute, ou la ressemblance avec les œuvres du passé ne sauraient être les seuls critères mesurant la qualité d’une création musicale. La dynamique évolutive de la musique doit être prise en considération, à travers tous ses modes d’expression.

En cette année anniversaire, Le Devoir doit se rendre compte de cette lacune importante dans sa couverture actuelle de la vie culturelle québécoise, une lacune qui contribue à laisser à la marge de la conscience collective un grand nombre de propositions musicales de qualité au Québec. Pour paraphraser le critique musical actuel du Devoir, les Dix compositions québécoises de la décennie ont déjà été écrites, selon une grande variété de langages et de tendances esthétiques et elles ont été créées par des interprètes de haut niveau dont nous avons toutes les raisons d’être fiers. Pour découvrir ces œuvres, pour les faire connaître au lecteur curieux du Devoir, pour contribuer à leur intégration au sein de la culture québécoise, il faut donc, et de toute urgence, instaurer une chronique éclairée et éclairante de la création musicale, québécoise au premier chef, canadienne et internationale au second, qui aille au-delà des quelques lignes d’une critique écrite trop rapidement. Le Devoir offre souvent cette double attention (chronique, critique) à plusieurs œuvres ou créateurs dans les domaines artistiques autres que la musique. La création musicale québécoise réclame et mérite la même considération. Plusieurs personnes bien formées et informées pourraient exceller à remplir cette fonction. Il faut impérativement leur offrir cette tribune.

Michel Gonneville
compositeur

27 avril 2010

Lettre ouverte de André Hamel à Jean-François Nadeau

Nous reproduisons, ci-bas, pour fin de discussion, la lettre ouverte d'André Hamel à Jean-François Nadeau, directeur adjoint de l’information culturelle au Journal Le Devoir


"Montréal le 26 avril 2010

Monsieur Jean-François Nadeau, directeur adjoint de l’information culturelle

Journal Le Devoir

Lettre ouverte

Cher Monsieur Nadeau

Je souhaite ici réagir à un article paru dans le Devoir le 22 avril dernier. Cette critique, sous la plume de Christophe Huss, portait sur le grand concert annuel du Nouvel Ensemble Moderne dirigé par Lorraine Vaillancourt. Bien des bêtises farcissent ce papier et chacune d’elles mériterait d’être relevée. Je m’attarderai cependant plus spécialement ici aux propos méprisants qu’il a tenus à propos de l’œuvre de Serge Garant. Je cite : « Circuit III de Garant, composition irrémédiablement estampillée «années 70» est aussi démodée que les pattes d'éléphant aux pantalons et les moquettes oranges. Ces incises sonores mathématiquement organisées sont à la musique ce que le pain sec est à la gastronomie. »

Pour ma part, bien que n’étant pas partisan inconditionnel de la pensée structuraliste qui animait Serge Garant et bien d’autres compositeurs à cette époque (non parmi les moindres), je sais en reconnaître l’apport et les bons coups. À ce propos, et malgré l’apparente austérité que l’on associe souvent à la grande rigueur qui caractérise ce type de démarche, il est clair, avec le recul, que ce courant nous a donné de grandes œuvres et souvent même des œuvres dont la sensualité et la charge émotive ont dépassées l’intention première et le discours théorique de leurs créateurs. On le sait, les structuralistes se défendaient d’accorder quelque importance que ce soit à l’expression des émotions (« cela n’a rien à faire avec mon travail » avait répondu Pierre Boulez à une dame qui lui posait une question en ce sens lors d’une conférence à Montréal en 1991). Malgré cela, les œuvres de plusieurs d’entre eux (y compris celles de Boulez) sont souvent empreintes d’une charge émotive qui, allez savoir, leur aura sans doute échappée. Après tout, ces compositeurs ne sont-ils pas des êtres de chair et de sang comme vous et moi ?

S’il est un compositeur dont le travail illustre de façon patente ce phénomène, c’est bien Serge Garant. Vivante et expressive, sa musique, à mon sens et malgré la facture qui la caractérise, n’a pas pris une ride. Elle était signifiante, elle l’est encore. Il suffit d’écouter.

Au delà des habiletés techniques d’un artiste quel qu’il soit, c’est quand celui-ci sait insuffler à sa création une grandeur qui transcende la technique qu’émergent les grandes œuvres. Circuit III de Serge Garant fait très certainement partie du lot.

Ce qui est démodé ici et carrément dépassé, au même titre que les pantalons éléphants et les moquettes oranges, c’est davantage le genre de commentaires que l’on entend de la part de ce journaliste réactionnaire à propos de la musique contemporaine et de la création musicale en général. Son acharnement à dénigrer dans vos pages tout ce qui s’éloigne un tant soit peu des formes et de l’articulation traditionnelle de la musique en témoigne.

Il est clair que Huss a un parti pris contre l’ensemble des esthétiques qui vont (et même, ont été) dans le sens d’un réel renouvellement du langage. Bien que ce monsieur ait droit à ses opinions, il devrait, cela étant, avoir l’honnêteté de s’abstenir de faire la critique des musiques nouvelles.

Je suis convaincu, cher Monsieur Nadeau que vous avez à cœur la justesse de l’évaluation des attributions que vous confiez à vos journalistes en regard des secteurs que vous leur demandez de couvrir. Ainsi, il serait surprenant que vous songiez confier la tournée des galeries d’art contemporain à quelconque individu n’accordant de valeur en art actuel qu’à la représentation picturale de paysages bucoliques ou de maisons canadiennes sous la neige. Pourtant, vous tolérez l’équivalent en affectant ce type à la couverture de tout un pan d’expression artistique qui, dans l’actualité de son expression, visiblement, lui donne de l’urticaire.

Mais ce qui est déplorable au premier chef dans son cas, c’est qu’on a nettement et trop souvent l’impression que ce que Huss affirme dans ses papiers, il avait déjà pensé l’écrire avant même d’assister au concert et d’entendre les œuvres. S’il ne s’agit toutefois que d’une impression, le parti pris affiché par Huss à l’encontre de la création musicale actuelle, lui, est par ailleurs notable et plus qu’évident.

Le compositeur américain Charles Ives, dans un court essai paru en 1933 (*) a dit la chose suivante : « quels que soient les défauts d’une musique, ce ne sont pas ceux que lui attribue un homme qui n’écoute pas ce qu’il entend »

(*) : Music and Its Future paru dans American Composers on American Music, H. Cowell, New York, 1933. Repris en français dans la revue Contrechamps, No 7, décembre 1986, éditions L’Age d’Homme."

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10 février 2010

Décès de Jacques Hétu

Comme vous le savez déjà sans doute, Jacques Hétu est décédé le 9 février au matin. Faites nous part de vos commentaires ici même.

15 octobre 2009

Voici le décompte du Top 6 de Simon Martin, président de Codes d'accès et compositeur agréé au CMC :

6. Tribal de Jean-François Laporte ;
5. Constat d'une métamorphose de Pierre Michaud ;
4. Arbor Vitae de James Tenney ;
3. Projections libérantes de Simon Martin ;
2. Bouchara de Claude Vivier ;
1. Quatuor à cordes no 2 de R. Murray Schafer.

Qu'en pensez-vous?

29 septembre 2009

Le Top 10 de Walter Boudreau

Voici le décompte du Top 10* de Walter Boudreau, directeur artistique de la SMCQ:

10. Pohjatuuli de Michel Longtin;
9. Fanfare : "und was ist denn Musik ?" de Jean Lesage;
8. Rosarium de Marc Hyland;
7. Amerika de Chris Paul Harman;
6. In Auditorium de André Hamel;
5. À l'aventure de Denis Gougeon;
4. HoMa de Michel Gonneville;
3. Manuscrit trouvé à Saragosse de José Evangelista;
2. À propos...et le baron perché... de Denys Bouliane;
1. Golgot(h)a de Walter Boudreau.

Vous aimez cette sélection ? Vous n'êtes pas d'accord avec sa première position ? Vous pensez que Pohjatuuli ne fait pas le poids ? Qu'on y trouve trop de compositeurs québécois ? Vous trouvez Rosarium géniale ? Alors, qu'attendez-vous pour nous le laisser savoir? Et votre Top 10 c'est quoi ?

* Il s'agit évidemment de son Top 10 Canadien

15 avril 2006

Bienvenue

Bienvenue sur le blog du CMC Québec. Nous vous invitons à faire vos commentaires sur les activités musicales au Québec ici même sur notre blog